samedi 12 mars 2011

Tiddis, la Cité Perdue.

  • Le site de Constantine est rocailleux.  Sa topographie est le fruit d’un travail infatigable de  la nature. On y admire un grand nombre de formations géologiques et de reliefs. Il y a donc des ravins, des grottes et des petits rochers. Chaque configuration est attachée  à un mythe ou une légende que quelques initiés se transmettent comme fond culturel « sacré ».
  • Kef Cheddad ou Kef Ch’kara sont des pics également que des personnes « évoquent » fièrement pour étaler leur «urbanité » ou leur origine constantinoise. Normal pourrons-nous dire, la mémoire a quelque chose d’affectif, une essence qui s’exhibe comme un butin. Ici, reconnaître quelques histoires de quelques recoins de la ville est également un moyen de sauvegarder la mémoire avant de sauvegarder le patrimoine matériel. Cependant l’amnésie semble plus « totalitaire » par ces temps, par conséquent il faut préserver et la mémoire et le patrimoine matériel.
  • A Constantine, un petit rocher  d’une quinzaine de mètres,  situé sur la rive droite du Rhummel, juste avant son entrée dans le canyon ( entrée marquée par le pont du Diable qui joint les deux rives) est célèbre dans l’histoire, mais méconnu de la majorité des constantinois.  Le Rocher se dresse avec une face abrupte regardant l’ouest. Il est célèbre parce que dans sa partie basse, une inscription a été gravée probablement vers l’an 260….                 
  • IIII Non(as) Sept(embres) passione(m) martur/orum Hortensium Mariani et / Iacobi Dati Iapin Rustici Crispi / Tatti Mettuni Bictoris Silbani Egip/tii{i} s(an)c(t)i d(e)i memoramini in conspectu d(omi)ni / cuorum(!) nomina scit is qui fecit ind(ictione) XV
  • CIL VIII 7924 (le Corpus des inscriptions Latines).
  • Sa traduction donne ceci :
  • « le quatre des nones de septembre, passion des martyrs d’Hortensia, Marien et Jacques, Datus, Japinus, Rusticus, crispus, Tatus, Metunus, Victor, Silvain, Egyptus. Souvenez-vous en présence du Seigneur, de ceux dont celui qui a fait (cela) sait les noms. Indications XV. »
  • Vars Ch.  Cirta ses monuments, son administration et ses magistrats. E.Thorin Ed./A.Braham Ed.Imp. Paris/Constantine. 1895.pp.99-100.    
  • Cette inscription est un témoignage très fort de la persécution contre les chrétiens d’Afrique. Ce cas  évoque le martyr de deux grandes figures célèbre de l’église chrétienne et leurs compagnons : Marien et Jacques.
  • Ces deux personnes, surement exilés de leur patrie (Hortensia), séjournaient dans une localité appelée Muguas (que certains historiens identifient à Sidi Mabrouk). Ils ont été « torturés » à Cirta en application d’un édit de Valérien (empereur romain durant la période 255-159) avant d’être conduits à Lambèse pour leur mise à mort.
  • En gros, c’est l’histoire  résumée de ce que les chrétiens appellent jusqu’ aujourd’hui la « passion » de Marien et de Jacques, c’est-à-dire toute la souffrance consenti qui avait précédé leur mort sans reniement de leur foi.
  • En somme, le texte gravé sur le rocher est une inscription martyrologique. Elle a été faite à la demande des persécutés, exécutée par un témoin direct de leurs affres. Un témoignage poignant et solennel, gravé sur un rocher dans un paysage « verdoyant » et dans lequel coule un fleuve (le Rhummel) ….
  • Ce rocher se trouvait sur le chemin qui reliait Cirta aux territoires du sud. Il devait être vu par les gens qui entraient ou sortaient de la ville. C’était le souvenir d’un martyre…
  • Aujourd’hui les reliques de St-Marien et St-Jacques sont vénérées dans la cathédrale qui leur est dédiée à Gubbio en Ombrie (Italie).
  • Cette inscription sur le Rocher des Martyrs est en quelque sorte un « hyperlien » qui connecte à  la totalité des ouvrages qui traitent de l’histoire du christianisme, des persécutions et le martyre des africains.
  • Dans ce sens voir :
  • LANCEL. S & MATTEI P. Pax et concordia. Marsa Ed. Alger 2003. En pp.16-20.
  • En somme, à Constantine, ce rocher est une petite parcelle qui témoigne de l’importance de la ville dans la trame historique de l’humanité.  Et l’ignorer est normal, mais le démolir par ignorance est faillite de l’élite intellectuelle, le démolir en sachant ce qu’il représente est un crime.

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